ÉDITO

Le Rhino déploie ses Elles…

Il y a celles qui perpétuent l’âme du gospel en y ajoutant le groove du R&B et de la soul-funk (Soulshine VoicesMichelle Davis), et celles qui renouvellent le genre jazz vocal (Elliavir) en y instillant diverses atmosphères électro plus actuelles (Cindy PoochInuiKami) ou s’inscrivent dans la  tradition classieuse des origines (Hetty Kate). Il y a celles qui teintent leur chant de pigments imprégnés de leurs cultures ancestrales, arménienne pour le trio Nazani, créole pour Clélya Abraham, la spiritualité orientale de Flèche Love ou le mysticisme de l’Amérique latine chez La Chica.

Il y a celles aussi qui s’imposent avec fougue sur le créneau encore plus viril du blues-rock, telle Audrey avec ses Face B, sans parler d’une Nina Attal et son Electric Ladyland où le sextet de dames enflammées tombe l’intégral d’Hendrix comme une formalité. La liberté totale – à l’instar du free-jazz onirique de Joëlle Léandre devant des tableaux abstraits –, l’engagement inlassable en tant que femme et artiste, autant de valeurs combatives initiées par des icônes telle Nina Simone, que fait magistralement renaître la flamboyante Kareen Guiock-Thuram et qui, parmi toutes celles qu’elle a pu inspirer, décida un jour du destin de Youn Sun Nah à l’écoute de la diva.

Youn Sun Nah qui symbolise doublement l’esprit de cette 46e édition du Rhino, festival qui a toujours mis en avant les voix féminines originales et singulières, et où elle-même fut découverte dans l’intimité de ses débuts, avant d’y revenir régulièrement en tête d’affiche avec de nouveaux projets. Comme ce premier duo en piano-voix (ici avec le grand Bojan Z) justement tout dévolu à Elles, ces grandes chanteuses qui l’ont marquée et dont elle livre des revisites renversantes, avec l’effet waouh qu’on lui connaît.

La magie de la beauté et ses effets saisissants, c’est encore celle que l’on décèle dans la jeunesse prodige de futures très grandes, comme Roxane Arnal qui signe avec Baptiste Bailly un pur bijou de néo blue-folk, ou encore Fleur Worku, chanteuse et violoniste qui porte si bien son prénom dans le quartet d’Alfio Origlio. Et si Youn Sun symbolise doublement cette nouvelle programmation, c’est aussi en représentant cette belle fidélité au Rhino, que l’on retrouve bien sûr en accueillant avec tout autant de plaisir les derniers projets de musiciens complices du Festival, qu’il s’agisse de cuivres (Rémi Gaudillat, Daniel Zimmermann, les Frères Belmondo s’attaquant au Grateful Dead ou Félicien Bouchot drivant les Togolais de Zangbeto), de pianistes hors-pair (Alfio Origlio, Jaz Delorean) ou d’un chanteur irrésistible de la trempe de Hugh Coltman. Mais quand même, au vu de la tendance féminine affirmée de cette édition, on a envie de vous dire allez, « Tous en celles ! ».

Michel Clavel, rédacteur du Rhino Jazz(s) Festival